Thursday, March 20, 2008

Je hais les modes d'emploi (bis) ou L'enfer de l'information ordinaire par Christian Morel

Il y a quelque temps je déclarais ma haine féroce des modes d'emploi et voila que je tombe dans le Télérama de cette semaine sur un article faisant l'éloge du livre de Christian Morel, L'enfer de l'information ordinaire : Boutons, modes d'emploi, pictogrammes, graphisme, informations, vulgarisation.

Prémonition?

Je n'avais aucune connaissance de ce livre jusqu'à présent, mais je pense que doit flotter dans l'inconscient collectif cette hantise du "mode opératoire" illisible qui nous fait penser que nous sommes des débiles profonds qui essayent maladroitement de sauver les apparences.

Cet article de Télérama écrit par Nicolas Delesalle aurait pu être écrit par moi, mais si nous sommes tous deux sur la même longueur d'onde en ce qui concerne le fond, il m'est bien supérieur quant à la forme.

Et en plus il titre "C'est du chinois", ce qui me fait penser qu'il va me falloir aller voir du côté de HiPiHi, car ils ont diffusé à tous les résidents (je rappelle à mes nombreux lecteur que j'ai trois avatars qui sommeillent là-bas...) un service pack que je meurs d'envie de télécharger sur mon ordinateur.

Mais Daneel m'a un peu refroidie avec son dernier post et je ne sais pas si je ne vais pas attendre après les prochains Jeux Olympiques avant d'aller faire un tour de côté de la Grande Mur...aie!

Non décidemment, les modes d'emploi ce n'est pas mon fort, alors quand ils sont écrits en chinois, ça devient vraiment de l'hébreu.


Un marché est la combinaison des comportements de milliers de personnes répondant aux informations, à la désinformation et à leurs caprices.
Kenneth Chang



Quelques commentaires à propos de la storyteller Marie-Monique Robin


Mon précédent article sur le monde selon Monsanto
n’a pour l’instant pas suscité beaucoup de commentaires, mais ils sont plutôt de qualité.

Deux de ces commentaires m’ont été adressés par e-mail et je vous en fais part ici.

Le premier est de Michel Naud :

Chère Sofian,

Le webmestre de l'AFIS m'a fait suivre, ainsi qu'à Marcel Kuntz, votre message signalant votre "coup de gueule". Je suis le rédacteur de l'avant-propos de cette mise en garde que nous avons publiée.

J'ai la même conviction que vous que le public a été manipulé.

Nous nous en sommes tenus aux faits scientifiques car notre propos était largement dominé par la mise en lumière qu'une fois de plus les biotechnologies (qui ne sont qu'un ensemble de techniques) sont prises en otage d'un débat qui leur est totalement étranger.

L'à peu près que nous pointons existe effectivement probablement ailleurs mais notre propos n'était pas de défendre Monsanto (ni de contribuer à sa diabolisation d'ailleurs) ; il devient très délicat d'intervenir sur un sujet de cette nature ; si on prend l'exemple de l'agent Orange, sujet que je ne connais pas si ce n'est par ce que tout le monde en connaît peut-être (défoliant utilisé pendant la guerre au vietnam et particulièrement toxique pour les êtres humains qui sont entrés en contact avec lui), la seule consultation des articles anglophones sur l'agent orange semble indiquer que si Monsanto est une des entreprises qui en a assuré la production la firme américaine ne semble pas jouer le rôle central qu'on lui prête en France et dans le film ; je n'ai même pas vu d'article prêtant à Monsanto "l'invention" de ce mélange d'herbicides, à ce stade ayant lu soit qu'il aurait été développé par des équipes indépendantes en angleterre dans les années 40 et que le gouvernement américain en a passé commande à différentes sociétés (dont Monsanto) soit qu'il aurait été développé par Dow chemicals (j'ai lu ces deux versions), je n'arrive à aucune conclusion ; en réalité cela m'indiffère un peu ; ce qui ne m'indiffère pas, en revanche, c'est que la réalité ne correspond de toute évidence pas à la vision manichéenne qui nous est proposée (ci après le lien sur la version anglaise de wikipédia : http://en.wikipedia.org/wiki/Agent_Orange ).

Pour l'avant propos et la référence à la controverse sur "voleurs d'yeux" je vous joins les trois articles que j'ai trouvés : Le Monde 1995 et l'Humanité 1995 et 2002.

La réalisatrice ayant fait circuler l'information suivant laquelle nous l'accuserions de "bidonnage" (c'est à dire d'avoir fabriqué un faux témoignage) j'ai été amené à publier ceci sur un blog :

Bonjour,

Bien sûr que MMR a son prix ; je n'ai jamais prétendu le contraire ; je me suis simplement permis de signaler que ce reportage, qui lui a valu la notoriété et qu'elle met en avant (prix oblige), avait été controversé ; le Monde avait fait un article (Jean Yves Nau) ; à ma connaissance il n'y en a jamais eu d'autre dans le Monde ; l'Huma avait fait le sien de 1995 sur la base de l'article du Monde ; l'article de l'huma de 2002 brosse la journaliste militante dans le sens du poil et se contente de rapporter les propos de MMR sans les recouper avec qui ou quoique ce soit d'autre ; je sais que MMR répond comme si on l'avait accusé de bidonnage, ce qui n'est absolument pas le cas, en tout cas pas en ce qui me concerne ; j'ai l'intime conviction personnelle que MMR, sur cette affaire passée, comme sur l'affaire présente, est une journaliste sincère, mais pas assez rigoureuse ; elle se laisse emporter par son sujet, par l'émotion que ce sujet lui suscite, et elle ne recoupe pas ses sources ; le biais émotionnel, notamment idéologique dans le cas présent, fait peser un lourd discrédit sur le travail réalisé ; ce n'est pas de l'enquête (une enquête c'est un vrai travail quasi scientifique, instruit aussi bien à charge qu'à décharge, sur la base des faits ; le moins qu'on puisse dire dans le reportage c'est que le côté "à décharge" est plutôt léger :-) ...) ; MMR sait ce qu'elle cherche, et bien entendu le trouve - c'est encore plus facile avec internet - : elle ne trouve que des confirmations de ce qu'elle pense, son dossier prend donc de la consistance et de la cohérence, mais cela ne suffit pas à en faire une démonstation au sens scientifique ; au sens réthorique oui mais pas au sens scientifique . Si elle oeuvrait de façon consciente et délibérée au profit d'une cause, cela ferait de son film un vrai film de propagande ; mais je ne pense pas que cela soit le cas ; elle est honnête, simplement aveuglée, et elle sacrifie sa rigueur sur l'autel de ses certitudes : ce qui fait que son film n'est pas crédible, c'est qu'elle ne connaît pas le doute qui est commun au travail scientifique et au vrai travail de journaliste d'investigation.

Mon intro effectivement suggérait implicitement cela : c'est 1) manque de rigueur (avec vol d'yeux) 2) manque de discernement (avec son reportage sur le paranormal). C'est le fond de ma pensée ; je ne l'ai pas exprimé explicitement et ai laissé le lecteur se faire sa propre opinion. Je joins l'article du Monde

Michel Naud

Comme vous le voyez je n'agite pas les procès d'intention et fait plutôt spontanément crédit à ces propos d'un optimisme indulgent prêtés à Socrate par Platon "nul n'est méchant volontairement".

On m'a fait connaître hier un article de blog intéressant au regard de l'interrogation sur la méthode journalistique : http://unearaigneeauplafond.fr/google-est-il-un-outil-de-journalisme-viable

Au bout du bout nous nous retrouvons tous, vous, moi, rapidement, beaucoup plus rapidement qu'on le voudrait, en dehors de notre champ de réelle compétence et nous sommes alors confrontés dans ces controverses à la question lancinante : "à qui faire confiance ?". Vous semblez renvoyer tout le monde dos à dos. Pour ce film c'est clair que c'est sans conséquence (quoiqu'il soit largement instrumentalisé par les groupes de pression qui entendent peser sur la représentation nationale dans l'élaboration de la loi) mais d'une façon générale nous sommes amenés à devoir prendre des décisions et l'immobilisme n'est pas (toujours) une bonne solution.Je suis intervenu l'an dernier pour participer à une discussion publique dans mon département (Loire Atlantique) à propos des antennes relais de téléphonie mobile : c'est pas beau, certes, c'est très désagréable d'en voir partout, je suis d'accord, mais présentent-elles un risque pour la santé publique comme d'aucuns le prétendent ? Je vous joins ce que j'ai écrit sur le sujet et soumets à votre réflexion cet extrait de ma conclusion qui rejoint votre interrogation.

Les citoyens de ce pays ne peuvent être compétents sur tous les sujets. Les citoyens de ce pays ont la chance de pouvoir s’appuyer sur des institutions publiques de recherche et d’expertise. Pourquoi les citoyens devraient-ils se méfier a priori des avis de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), des Académies nationales des Sciences et de Médecine, de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale (AFSSE), de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), etc. Pourquoi devraient-ils prêter une oreille indulgente au contraire à tous ces comités ou commissions « de recherche et d’informations indépendantes » qui n’ont pas la reconnaissance de compétence des institutions académiques publiques nationales ? Pourquoi, dans le cas présent, faudrait-il mettre en cause les avis de l’INSERM ou de l’AFSSE et porter crédit à des associations comme PRIARTEM qui, lors des auditions des parties intéressées par l’AFSSE a trouvé le moyen de déclarer par l’un de ses représentants que « les antennes relais font des ravages dans les élevages »… ravages dont nous laisserons le soin aux habitants du département de mesurer l’ampleur…

Comme vous le verrez, notre association est désormais la cible des rumeurs des activistes ; nous avons même hier soir été amenés à publier une mise au point, jointe elle aussi ; nous vivons dans une époque moderne :-(

Très cordialement à vous.

Michel Naud

Le second est de Marcel Kuntz :

Pour comprendre l'argument 5:
Prenons l'exemple de la roulette au Casino. Imaginons que vous vouliez obtenir le 7. En jouant x fois vous avez une probabilité p d'y arriver (chez les plantes, pour obtenir une mutation dans un gène donné, on travaille sur plusieurs dizaines de milliers de plantes, dans les cas les plus favorables).
Ce que le film d'ARTE veut nous faire croire, c'est que non seulement le 7 sortira à tous les coups, mais que cela arrivera sans même relancer la boule !

Marcel KUNTZ
Université Joseph Fourier / CNRS
BP53
38041 Grenoble cedex 9
marcel.kuntz@ujf-grenoble.fr

Je suis un peu étonnée de n’avoir pas encore reçu d’avis franchement en faveur de Marie-Monique Robin…

Comme j’ai enfin réussi à mettre la main sur son blog (je le cherchais partout mais ne tombais que sur des blogs évoquant son reportage de manière dithyrambique…) je vais lui faire part du présent billet en commentaire de son dernier article sur un certain Buridan (veut-elle parler de l’âne ou d’un monsieur Buridan… ? Je n’ai pas encore eu le temps de lire l’article)

Et tant que j’y suis j’envoie aussi le lien à un admirateur de José Bové, après tout lui aussi a le droit de s’exprimer (l’admirateur, car je doute que José Bové daigne consacrer son temps à ma minuscule personne)

Encore de belles histoires en perspective, je vous l’avais bien dit !



Lorsque l'erreur porte les livrées de la vérité, elle est souvent plus respectée que la vérité même.
Nicolas de Malebranche
Extrait de De la recherche de la vérité


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